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1600
garçons et filles sans parents, enfants
des rues, enfants de la misère, orphelins
ou abandonnés, ont été
arrachés à l'île de
La Réunion où ils vivaient
et transportés en France au cours
des années 1960 - 1970, au nom de
la raison d'Etat. Ce département
français d'outre-mer cumulait les
handicaps : une croissance exponentielle
de sa population et un sous-développement
alarmant. Devant l'urgence de la situation,
les hommes politiques, sous la férule
de Michel Debré, ont mis en oeuvre
une politique ambitieuse : un flot de crédits
ont été débloqués
qui, en l'espace d'une décennie,
ont permis de rattraper un certain retard,
et une politique volontaire de migration,
considérée comme la panacée
à l'explosion démographique,
a été mise en place. Des fonctionnaires
zélés et cyniques ont appliqué
celle-ci à marche forcée,
commettant de graves erreurs, des mensonges
et des négligences, afin de grossir
le flux des contingents exigés. Consentements
extorqués à des parents illettrés,
rafles dans les bidonvilles, placements
en foyer... 1 600 enfants furent déportés
et placés dans des départements
déshérités de l'Hexagone
: la Creuse, le Tarn et le Gers, à
dix mille kilomètres de leur île,
sans espoir de retour. On leur promettait
de brillantes études, de bons métiers,
mais nombre d'entre eux se retrouvèrent
garçons de ferme, abandonnés,
maltraités. Quelques-uns en sont
morts ou ont sombré dans la folie,
d'autres se sont acclimatés avec
bonheur. La plupart sont aujourd'hui des
hommes et des femmes déracinés,
qui gardent une haine tenace envers les
voleurs de leur enfance. |